Coronavirus et emprunts
- by g.violante
- in Non classé
- on 5 avril 2020
Coronavirus et emprunts
Faire face aux difficultés de paiement et prendre des mesures anticipatrices
Le budget d’un ménage est rarement extensible : les revenus et les charges sont le plus souvent constants et la faculté d’épargne modeste, dans la plupart des situations.
Que survienne une augmentation des charges ou une diminution des ressources, la situation peu rapidement empirer et induire des conséquences catastrophiques pouvant aller jusqu’à la saisie et même l’expulsion du logement familial.
La situation des emprunts, immobiliers notamment est particulièrement à surveiller en cette période de crise sanitaire compte tenu de ce que le défaut de paiement d’une seule mensualité peut entrainer ce que l’on appelle la « déchéance du terme »., terme technique redoutable de conséquences.
Qu’est ce que la déchéance du terme ?
La déchéance du terme est prévue par l'article L. 312-39 du code de la consommation qui, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, énonce :
« En cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. »
La Cour de cassation pose cependant le principe de l’exigence d’une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme.
Il ne s’agit donc certes:
- ni d’une sanction automatique (elle n’est mise en œuvre qu’à la discrétion du prêteur qui peut donc en décider ou non, d’où l’importance de réagir par une prise de contact avec lui au moment de la première difficulté)
- ni d’une sanction soudaine qui doit donc faire l’objet d’un avertissement préalable.
Mais la déchéance du terme n’en est pas moins redoutable à raison de ses effets importants et irréversibles.
Elle désigne ainsi la perte, quasi automatique du fait d’une clause du contrat de prêt et donc sans nécessité d’un jugement, pour le bénéficiaire d’un contrat à échéances successives, ( crédit immobilier sur 20 ans par exemple ou crédit à la consommation sur 5 ans etc…) de la faculté de payer sa dette selon l’échéancier prévu.
La déchéance du terme annule en effet d’office l’échéancier de remboursement ( autrement appelé tableau d’amortissement) et rend la dette immédiatement exigible en cas de non remboursement d’une ou plusieurs mensualités.
S’il s’agit d’un crédit immobilier garanti par une hypothèque, le prêteur pourra faire saisir votre logement. Ensuite, celui-ci sera vendu aux enchères et le prix retiré de la vente servira à le rembourser. De plus, l’emprunteur malheureux sera inscrit au Fichier des Incidents de Crédit aux Particuliers (FICP) de la Banque de France, ce qui l’empêchera d’obtenir tout nouveau crédit bancaire.
Illustration :
J’achète mon appartement pour 200 000 €
J’apporte mes économies de 50 000 € et J’emprunte donc 150 000 € sur 20 ans
Je dois 800 € par mois sur 20 ans pour rembourser le prêt immobilier de mon logement:
5 ans après, le fait de ne pas honorer ma mensualité va me rendre du jour au lendemain débiteur de la totalité du solde soit sur les 15 ans d’échéances que je restais devoir au moment de ma défaillance ( déchéance du terme l'article L. 312-39 du code de la consommation ) , c’est à dire près de 120 000 € plus les intérêts plus les frais et pénalités, soit environ 150 000 €
Ne pas avoir payé les deux ou 3 mensualités que je devais en ces temps de crise me conduit à devoir du jour au lendemain le solde du prêt, soit pas loin des 150 000 € que j’avais emprunté sous peine de saisie de ma maison. Et suis évidemment dans l’impossibilité de payer cette somme et m’expose dès lors à la saisie de mon bien.
En cas de saisie :
- Si ma maison est vendue aux enchères 120 000 €
- Je n’aurais plus de maison qui valait pourtant par hypothèse au moins 200 000 € - les 120 000 € que je devais à la banque avant ma défaillance de paiement soit : 80 000 €
- J’aurais perdu tout mon apport initial de 50 000 € (sans parler des 5 ans de mensualités que j’ai payées pour constituer mon capital immobilier : 48 000 € : 800 € X 60 mensualités)
- Je devrais encore à la banque 150 000 € (ma dette) – 120 000 € ( prix de vente sur saisie) = 30 000 €
Soit une perte totale de 208 000 € et une obligation de se reloger en loyer payé cette fois en pure perte.
TOUT CELA a cause de deux ou trois mensualités impayées et d’une absence de réaction de ma part !
En effet une erreur communément répandue consiste à penser que si l’on a pas payé une ou deux ou trois mensualités du prêt, cela n’est pas finalement si grave que cela car il suffira de d’entendre ensuite avec son prêteur pour les lui rembourser un peu plus tard grâce à une aide familiale par exemple, et continuer (ou reprendre en quelque sorte) l’échéancier initial
C’est faux !
En effet, même en offrant de régulariser a postériori la situation en « rattrapant » ces deux ou trois mensualités, ce sera trop tard la déchéance du terme aura été acquise et l’on ne pourra plus y revenir : le prêt est en quelque sorte effacé des livres du prêteur à qui il n’est plus dû des mensualités successives sur plusieurs années selon le tableau d’amortissement contractuellement convenu, mais une somme unique à payer « cash » constituant le solde du prêt, intérêts et frais au jour de la déchéance du terme.
Certes le débiteur pourrait demander à « refaire » un prêt mais le prêteur, considérant qu’il a affaire à un débiteur défaillant, s’y refusera systématiquement
Finalement le débiteur, même de bonne foi car confronté à la crise sanitaire qui entraine une diminution de ses revenus, pourrait se croire autorisé à faire comme si ne rien n’était et à ne prendre aucune mesure, comptant sur la compréhension de son créancier et il est vrai qu’il pourra parfois rencontrer cette indulgence si le contrat prévoit la possibilité de pause de remboursement ou de report de certaines échéances dans certaines situations, chômage, maladie et pourquoi pas contexte sanitaire actuel, par exemple, ce qui peut permettre de faire face momentanément à des difficultés de trésorerie.
Mais l’important est de réagir. Comment ?
Notre cabinet est à même de vous apporter des solutions qu’elles soient négociées par nous auprès de vos créanciers ou qu’il faille saisir le juge du contentieux de la protection.
En cas de refus amiable d’un délai de paiement, il y a moyen de résoudre le problème devant le tribunal :
Délai de grâce : L’article L 314-20. du code de la consommation énonce :
L'exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge des contentieux de la protection dans les conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil. L'ordonnance peut décider que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt.
En outre, le juge peut déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le remboursement du prêt ; il peut cependant surseoir à statuer sur ces modalités jusqu'au terme du délai de suspension.
Le juge peut donc suspendre le remboursement d’un crédit (on voit souvent le terme de « moratoire de crédit »), en attendant de meilleurs jours pour l’emprunteur, dans un maximum de deux ans. Il faut que le juge pense qu’il est possible pour la personne qui doit de l’argent de pouvoir payer à nouveau son crédit, sinon, il faudra se diriger vers un dossier de surendettement.
Commentaires récents